L’influence personnelle par hypnose
L’homme est un être essentiellement sociable ; la compagnie de ses semblables lui plaît et il la recherche. Je serai même tenté de dire, en me basant sur l’expérience journalière, que tous, plus ou moins, essaient de nouer des relations plus intimes dans le milieu où ils vivent, que tous aspirent à se faire des amis. Et cependant combien peu ar-tivënt à réaliser leurs désirs dans cet ordre d’idées! Combien se plaignent de ne soulever autour d^eux que froideur et indifférence. Personne encore n’a eu l’audace d’affirmer avoir rencontré au cours de son existence que délicatesse et prévenance à son endroit. Les causes de ces déboires sont multiples, je vais essayer d’indiquer les principales et de donner en même temps le moyen infaillible d’annihiler leurs funestes effets. Sous quelque aspect qu’il nous soit donné de le considérer, l’homme, esprit et matière à la fois, présente de nombreuses imperfections.
Ces imperfections, soit physiques, soit morales, font en quelque sorte partie intégrante de son individu. Je ne dirai qu’un mot des vices de constitution qu’il est toujours facile d’atténuer avec un peu de précaution. Avoir le plus grand soin de sa personne, telle est la seule ligne de conduite à suivre au point de vue physique, pour ne pas s’aliéner ceux avec qui les circonstances nous obligent de vivre. L’haleine fétide est généralement causée par une mauvaise hygiène de la bouche; un lavage sérieux des dents avec une eau légèrement aromatisée suffit d’ordinaire pour la faire disparaître. Si elle a sa source dans un désordre chronique, on pourra essayer d’y remédier en suçant quelques pastilles odorantes et surtout en évitant de diriger sa respiration vers le visage de ses interlocuteurs. Transpire-t-on au point de répandre une odeur désagréable? De fréquentes ablutions d’eau parfumée discrètement ont vite raison de cet inconvénient.
Si les imperfections physiques, véritablement gênantes pour les autres, sont le partage d’un nombre restreint d’individus, il n’en est pas de même des tares morales. Il n’est-pas de caractère qui n’ait ses angles aigus, dont le heurt au cours des relations que crée la société soit pénible pour autrui. Comment arrondir ces angles au point de les rendre absolument inofîensifs ? Par le développement de certaines qualités que tous ont en germe, qualités qui se ramènent toutes à la Bonté et n’en sont que des formes diverses. Je sais bien qu’on pourra m’objecter qu’il existe des individus foncièrement mauvais, mais ces individus sont l’exception. La Bonté et la bonté seule peut donner la patience et le calme qui, dans chacune des circonstances de la vie, assurent la supériorité. Si vous êtes vraiment bon à l’égard de tous, vous ne vous aliénerez ni les bavards, ni les autoritaires, ni les emportés. Vous écouterez les confidences des premiers sans impatience, vous arriverez même à prendre intérêt à leur prolixité et l’énumération de détails infimes en apparence, mais auxquels ils attachent la plus grande importance, ne vous paraîtra pas une importunité. Si vous causez avec un tiers et que vous voyez se taire une personne que vous savez aimant la conversation, n’hésitez pas à changer de sujet, ce que vous dites ne l’intéresse pas. Les autoritaires, eux, subiront votre ascendant, qu’ils l’avouent ou non, car la bonté est la force l’a plus terrible que puisse mettre en action un être raisonnable; et ceux-là mêmes qui se prétendent inaccessibles aux influences extérieures sont lès premiers à en ressentir la puissance et à s’incliner devant elle. Vous aurez enfin sur les emportés la force du calme. Celui qui parvient à conserver toujours sa présence d’esprit n’est jamais en état d’infériorité relativement à ceux qui l’entourent. Celui qui reste maître de lui dans toutes les circonstances, celui qui ne se laisse jamais aller à la colère est une puissance véritable.
S’il vous arrive d’être choisi pour arbitre, ne tranchez jamais brusquement le point en litige, vous vous feriez un ennemi de celui à qui vous ne donneriez pas gain de cause. Réfléchissez sur la question avant d’essayer de la résoudre et comme dans l’immense majorité.des cas l’opinion présente une part d’erreur et une part de vérité, dégagez prudemment cette part de vérité, exprimez ensuite votre idée avec une fermeté tempérée de douceur. Il pourra se faire
qu’on vous demande ce que vous pensez d’un fait, d’un livre, d’une théorie ou d’une idée. Ne répondez jamais sans connaître parfaitement la question; vous pouiriez vous exposer à exprimer des jugements douteux qui vous feraient baisser dans l’estime de celui qui vous interroge et ‘de ceux qui vous connaissent. Il est parfois plus sage d’avouer son ignorance que de répondre d’un ton suffisant, à tort et à travers. Si par hasard vous professez des idées un peu spéciales dont l’originalité séduise votre esprit, craignez en les exposant et en les défendant avec trop de chaleur oe blesser ceux qui ne sont pas de votre avis. Rappelez-vous que vos théories ne sont pas les seules raisonnables, que nul n’a le monopole de l’intelligence, et qu’on peut ne pas penser comme vous sans être nécessairement un fou ou un crétin. Vous demande-t-on des conseils ? Atténuez toujours d’une réserve prudente ceux que vous donnez ; si par hasard ils n’étaient pas couronnés de succès, on ne s’en prendrait qu’à vous de l’échec. Evitez soigneusement dans vos entretiens de parler de vous ; cherchez au contraire à amener la causerie sur des choses qui peuvent intéresser votre interlocuteur. Ayez l’air d’apprendre quelque chose de lui, vous lui accorderez ainsi en quelque sorte un brevet de savoir qui vous fera gagner son estime. Ce n’est pas le seul avantage que vous en retirerez, car vous apprendrez réellement quelque chose d’utile. Généralement, chaque individu ici-bas approfondit plus particulier sment un sujet déterminé. Le choix est motivé soit par le goût ou les dispositions naturelles, soit par les exigences de la profession. Chaque personne aime s’étendre sur le sujet qui lui est cher et qu’elle possède plus particulièrement; vous n’aurez donc aucune peine à amener la conversation et surtout à la maintenir sur ce sujet. Avec un jardinier, intéressez-vous au jardinage ; avec un artiste, intéressez-vous à l’art, etc. Il n’est même pas nécessaire d’avoir des connaissances spéciales; je dirai mieux, c’est absolument inutile dans le cas qui nous occupe, car votre interlocuteur vous donnera tous les renseignements désirables, si vous l’interrogez, si vous vous intéressez à ce qu’il vous dira:
Un auteur anglais a écrit par ce seul moyen une encyclopédie complète du commerce et de l’industrie, rien qu’en s’intéressant aux conversations d’ouvriers ou de petits boutiquiers. Rappelez-vous qu’on apprend bien souvent d’un
plus petit que soi et qu’il n’est pas un homme sur terre, fût-ce le plus grand génie, qui n’est pas dépassé sur au moins un point par le pire ignorant.
Evitez également de parler de vos peines ou de vos joies, pour ne point vous exposer à troubler l’âme de ceux qui vous entourent. Ils peuvent en effet avoir des raisons d’être tristes lorsque vous êtes gai et vice-versa. Craignez toujours de les froisser par l’expression trop bruyante et souvent intempestive d’un bonheur ou d’un chagrin… Si vous parvenez à éviter î’importunité en parlant de vous, le ressentiment en parlant mal des autres, vous aurez bientôt gagné l’universelle confiance; vous n’aurez plus à vous rebuter d’insuccès. Ne dites jamais de mal d’un absent, les personnes présentes pourraient toujours supposer que vous agissez de même à leur endroit et vous entoureraient d’une légitime suspicion. Si la calomnie est une chose révoltante, la médisance est blâmable elle aussi. Lorsqu’on critiquera une personne devant vous, attachez-vous à souligner ses qualités ; lorsque les fautes imputées seront absolument certaines, rejetez-en le tort sur les circonstances en présentant le coupable comme leur victime. N’employez pas la flatterie et l’adulation, ce sont des moyens vils qui ne peuvent influencer que les âmes basses ; mais rendez toujours un discret hommage aux qualités et aux talents de ceux avec qui vous conversez-.
Si une personne vous demande votre approbation et qu’elle la mérite, accordez-la-lui sans restriction. Dans une réunion, c’est une ?uvre de charité de faire ressortir les qualités réelles des personnes qui nous entourent et d’amener la conversation sur des sujets qui leur sont familiers. Soyez bien persuadé que rien ne vous conciliera à un tel point leur estime. Soyez toujours prêt à rendre service, soyez charitable. Ce n’est pas uniquement en prêtant de l’argent qu’on peut obliger les autres, il existe bien d’autres moyens de le faire. Une bonne parole, un encouragement, une aide dans un travail fatigant ou difficile, un bon conseil, voilà autant de moyens de gagner l’estime de ceux qui vous entourent et de goûter sur cette terre un bonheur véritable.
Relevez le moral des désespérés, présentez-leur la vie sous un jour plus favorable et ranimez leur courage. Ayez toujours des attentions pour les faibles, les déshérités, les.
vieillards et les enfants. Pénétrez-vous bien de cette vérité, que les autres agiront envers vous comme vous agirez envers eux et qu’ils diront toujours de vous ce que vous direz d’eux. Quoi qu’on ait écrit sur l’ingratitude, quoi qu’on ait pu dire sur ce sujet, rappelez-vous toujours qu’un bienfait n’est jamais perdu. Aimez à rendre service, ingéaiez-vous à obliger les autres dans toutes les circonstances de la vie, oubliez-vous pour les autres et vous verrez que les autres s’oublieront pour vous. Respectez la délicatesse de tous ceux que vous approchez, ne dites rien qui blesse ni leur pudeur, ni leurs sentiments, ne soyez jamais ni brutal, ni grossier. Soyez poli, la politesse gagne tous les c?urs, c’est une clef qui ouvre toutes les portes et elle coûte bien peu de choses. Elle concilie dès 1» premier abord l’es, time et la bienveillance de tous ceux avec lesquels on vient en contact.
Voulez-vous savoir, quelles que soient les circonstances, la conduite que vous devez tenir à l’égard d’autrui, mettez-vous par la pensée à la place de la personne dont il s’agit et voyez dans ce cas comment vous voudriez qu’on vous traite. Il faut non seulement ne pas faire aux autres ce que vous ne voudriez pas qu’ils vous fassent, mais il faut encore et surtout: Faire aux autres dans toute circonstance ce que vous voudriez qu’ils vous fassent. Vous m’objecterez peut-être : Mais je vais jouer un rôle de dupe ! Vous n’avez qu’à essayer, en vous réservant de changer de tactique si l’avenir justifie votre objection. Faites de l’expérimentation comme en hypnotisme et vous n’y perdrez rien, tout au contraire. Vous gagnerez tous les c?urs et ce que vous ferez pour les autres, les autres le feront infailliblement pour vous.
Toutefois, en dépit de la constance de vos efforts, si l’opinion de certains parmi ceux qui vous entourent vous semble longue à se modifier, usez de la fascination alliée à la suggestion mentale pour les réduire. Dans le cours de la conversation, fixez-les à la racine du nez d’une manière plaisante et sans ostentation et pensez fortement: Je veux que vous m’estimiez… vous m’estimerez tous les jours davantage… vous m’estimez… je veux que vous m’estimiez… S’il ne vous est pas possible de les voir fréquemment, procurez-vous leur portrait et, en les fixant à la racine du nez
et en vous tournant du côté de leur lieu d’habitation, de préférence à l’heure où vous les savez au lit, faites des suggestions de ce genre: je suis au-près de vous… ma pensée vous pénètre… vous êtes bien disposé à mon égard… vous ne pouvez vous soustraire à mon influence… vous êtes forcé de m’estimer…
Continuez chaque soir, la réussite viendra si rapidement couronner vos efforts, surtout si vous vous êtes entraîné à transmettre des pensées à des sujets en somnambulisme artificiel, que vous serez surpris de vos propres succès. Si vous n’avez pas le portrait qui joue en quelque sorte le rôle de condensateur de pensée, concentrez votre esprit sur les mêmes suggestions, en vous représentant par la mémoire celui ou celle que vous voulez dominer. Avec un peu plus d’efforts peut-être, mais non moins certainement, vous parviendrez au même but, car les pensées sont des ondes qui, dirigées par la volonté d’un opérateur entraîné, se communiquent infailliblement au cerveau librement choisi par lui comme récepteur.
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