Chemin de la vie et son orientation

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Chemin de la vie et son orientation

L’homme a de tous temps comparé à un chemin le déroulement de sa vie dans l’espace et dans le temps, de la naissance à la mort. Beaucoup plus souvent qu’ailleurs, c’est sur ce
chemin qu’il se trouve en rêve, sur des sentiers, dans des rues.

Il est dès lors extraordinairement significatif d’examiner ce chemin, de connaître le paysage qu’il traverse, ce que sont les obstacles rencontrés et le but final. Il s’agit souvent d’un morceau de chemin assez court ; dans de petits rêves c’est une rue bien connue, pleine des événements les plus courants, parfois de souvenirs personnels isolés. De tels rêves relatent notre situation quotidienne, ils parlent de cette partie de notre vie qui se déroule par petites périodes.

Bien plus souvent c’est un chemin inconnu sur lequel le rêveur avance vers un but qu’il ignore. Nous sommes des pèlerins comme les avaient jadis représentés les livres d’édification d’une manière peut-être sentimentale, mais dépeignant avec relief et force détails tous les dangers et terreurs de ce voyage vers le ciel et l’enfer. Dans certains cas notre rêveur porte l’habit des pèlerins, par exemple une longue pèlerine et un antique chapeau à larges bords ; il a emmené une gourde et porte le bâton des pèlerins.

Le rêve ne se lasse pas de relater ce voyagé, de nous le faire connaître dans tous ses détails. La direction du chemin, notre équipement et, s’il y a lieu, notre accompagnement sont essentiels à considérer dans le récit du rêve. Il ne faut pas négliger de considérer également la loi de la compensation ; quelle différence parfois avec la vie quotidienne du rêveur, lorsqu’il vaque à ses occupations !

Certains pensent d’une façon consciente qu’ils sont enfin parvenus sur une route passablement bonne et espèrent que celle-ci va continuer indéfiniment. Mais voilà qu’ils s’aperçoivent en rêve qu’il s’agit d’une piste étroite et malcommode sur laquelle ils ont grand’peine à avancer. Nous sommes peut-être même étonnés de ce que le sentier solitaire traverse de grandes flaques d’eau sale. Nous grimpons prudemment d’un rocher à un autre, nous sautons d’une touffe d’herbe à une autre touffe en plein marécage. Par contre, lorsque nous avons l’impression qu’il n’y a plus aucune issue à notre situation, nous apercevons en rêve une bonne route carossable qui chemine entre de hauts massifs ; ou bien c’est un pont solide traversant une rivière aux eaux tumultueuses. Lorsque l’inconscient n’a pas encore achevé une telle route, on peut la voir en rêve en pleine évolution ? parfois le rêveur met lui-même la main à la pâte en participant à la construction. C’est un rêve très favorable! On est en train de constituer
un fondement solide et la vie prend une direction précieuse.

La construction de cette route se fait assez souvent en pleine forêt lorsque des aspects inconscients doivent être éclairés, des complexes mis à jour. Et au bout de cette route se trouvent parfois tout à coup une maison de famille simple et agréable, une tour paisible, l’université, ou même chez certaines personnes pieuses, une église de style renaissance ou un magnifique baptistère.

Quelles peines et quels dangers ne jalonnent pas la destinée que chaque individu a reçue à sa naissance ! Lorsqu’il s’agit de relations humaines courantes, ces dangers sont représentés en rêve par des cambrioleurs, des criminels ou même des sauvages qui nous guettent le long du chemin; ce sont des animaux méchants et féroces lorsqu’il s’agit de conflits instinctifs. Les sombres forêts sont les dangers de l’inconscient, et quand, la nuit enveloppe notre chemin, nous nous trouvons dans une situation particulièrement dangereuse. Tous ces périls d’ailleurs s’additionnent le plus souvent au moment même où la situation paraît s’éclaircir, dans une époque de transition, c’est-à-dire lorsque nous sommes parvenus à un gué de la vie, qu’il nous faut traverser un fleuve ou un profond défilé.

L’interprétation de ces rêves doit s’accompagner d’un examen détaillé des obstacles qui parsèment le chemin. Le fait de ne pas pouvoir continuer à marcher, de rester sur place comme enraciné, même au moment où quelque chose d’horrible survient brusquement, constitue un événement onirique des plus courants. D’après l’expérience que nous possédons à ce sujet, il ne faut jamais y voir un arrêt, une immobilité durable ; il s’agit uniquement d’une affaire momentanée, d’un état passager qui nous empêche de poursuivre la route.

Quelquefois c’est une barrière qui forme l’empêchement. Ou encore nous devons accomplir des formalités de passeport, question qui est examinée plus loin. C’est ainsi qu’un jeune homme ne pouvait continuer son chemin parce qu’une telle barrière s’était abaissée devant lui. En approchant de plus près, il vit que l’obstacle était en réalité un grand cheval sauvage, c’est-à-dire son propre érotisme ; ce qui formait l’empêchement était une mauvaise direction donnée à ses instincts. Une jeune femme avait trouvé un obstacle d’un autre genre, bien plus innocent, en la forme d’une petite corbeille fleurie, un souvenir sentimental qu’elle n’arrivait pas à surmonter, D’autres rêveurs sont retenus par des amis,
comme c’est si souvent le cas dans la vie. Il arrive aussi qu’un rêveur, malgré sa grande hâte, ne puisse passer sur un bon repas ou un arbre plein de fruits rencontrés en cours de route.

Le chemin du rêve peut conduire partout, tous les événements peuvent s’y passer. Le fait de parvenir à un croisement est assez typique pour valoir d’être mentionné. Le rêveur peut aussi arriver à une bifurcation, se trouver sur une pente abrupte, ce qui correspond alors à une situation extérieure délicate. Lorsqu’un rêveur parcourt des escarpements rocheux pour essayer d’atteindre les hauteurs, lorsqu’il patauge dans une mare d’eau, il fera bien durant cette période de vivre avec un maximum de prudence et de conscience. Si le rêveur ne sait pas déjà à l’avance de quoi il s’agit, on peut à l’aide du contexte et de l’amplification découvrir les causes, les proportions et le lieu du danger. Lui d’ailleurs mettra le plus souvent en cause des événements quotidiens sans importance.

Tous les rêveurs ne peuvent pas se détourner de leur abîme. « Je devais descendre jusqu’au fond en fournissant un effort surhumain. » II était réellement imposé à ce rêveur de parcourir le « fond » de sa misère pour en connaître la raison et pour reprendre pied. De tels rêves sont favorables puisqu’ils signifient un contact avec les profondeurs les plus intimes, quoique sombres.

Mais chacun n’a pas cette obligation. Une passerelle peut être jetée sur le gouffre ; pour parvenir de l’autre côté d’un fleuve, un pont peut enjamber celui-ci pour nous aider à le traverser. Il y a peu de symboles aussi heureux, qui augurent de jours à venir plus favorables que celui du pont. Il nous délie de l’angoisse d’attendre indéfiniment devant les eaux dont le péril se dresse devant nous, mais aussi du danger que constituerait une traversée à la nage. En examinant son rêve, le rêveur devra méditer sur ce qu’il faut entendre par cette rive opposée qu’il est possible d’atteindre en d’aussi bonnes conditions. S’il en a compris la signification, il pourra dans sa vie quotidienne faire l’apport d’une force et d’un élément nouveaux : « Pourquoi as-tu un air si heureux aujourd’hui ? » « J’ai fait un rêve magnifique cette nuit où il était question d’un pont !»

L’ingénieur dans nos rêves bâtit les ponts les plus différents avec les matériaux les plus variés. Une femme vit en rêve un pont ? elle osait à peine le dire ? ayant l’air d’une petite jaquette d’enfant en tricot

Il se peut aussi que le pont que nous devons traverser se trouve encore en pleine construction. Le rêveur avance péniblement, de peur de tomber entre les poutrelles et les piliers. ? Parfois même le pont est dépourvu de parapet sur un côté ; le rêveur manque alors de protection sur ce côté de sa route. Une jeune fille intelligente et bienveillante aimait un homme solitaire qui éprouvait cet amour comme un véritable pont de salut. Mais il n’arrivait pas à comprendre pourquoi il vit en rêve un pont surchargé d’échafaudages, spécialement de poutres rouges. Le fait est que la jeune fille avait essayé de s’installer définitivement dans la vie de cet homme après s’être montrée utile et désintéressée. Elle devint de la sorte une charge et entraînait pour lui l’obligation de demeurer dans une position « suspendue ». Il ne faut jamais s’installer durablement sur un pont. Il faut certes être reconnaissant pour ce lien nouveau qui s’est créé en nous-mêmes, mais pouvoir ensuite continuer normalement le chemin.

Peut-être sommes-nous nu-pieds ! De tels rêves sont assez fréquents ; ils peuvent ramener des souvenirs de jeunesse, être un signe de modestie et de pauvreté ou bien encore être l’expression d’un rapport étroit avec la terre lorsqu’il s’agit pour le rêveur de redevenir plus naturel, de retrouver l’instinct pour les réalités les plus simples de la vie ; et la terre est bien cette simple réalité qui nous est immédiatement donnée.

Certains rêveurs se demandent pourquoi leur chemin se faufile à travers le paysage, tantôt s’inclinant sur la gauche, tantôt sur la droite. Mais c’est là un signe de bon sens et de sagesse de la part de la nature. Les pistes des hommes primitifs ont cette allure dans laquelle, sur d’immenses espaces dominent à la fois un tracé et un rythme continuellement vivants. Ce chemin naturel se trouve évidemment en flagrante opposition avec les routes rectilignes et infinies créées par l’intellect, et dont ce dernier est particulièrement fier.

Ce changement si important de gauche et de droite ? antithèse de toute uniformité ? se produit assez souvent dans les rêves sous forme de « changement de pas ». C’est tantôt le côté « droit », tantôt le côté « gauche » de la nature qui « a le pas », qui « prend les devants ».

Le rêveur arrive quelquefois dans un passage étroit. Il doit se faufiler dans un trou ou une fente, ramper sur le ventre. H ressent une profonde angoisse, mais ce passage dangereux est comparable à celui de la naissance. Naître à de nouvelles
valeurs existentielles après une période de périls constitue un apport très positif.

A un croisement de route, nous nous demandons s’il faut aller à gauche, ou à droite. Le côté gauche est le côté « sinistre » et sombre ; chez l’homme, il représente la féminité, l’inconscient ; à droite se trouve la conscience, ce qui ressort de l’intellect et de la masculinité. Le jeune homme et la plupart des femmes auront des rêves « favorables » s’ils y préfèrent la droite, puisque de nature plus inconsciente et plus proche de la terre ; l’homme d’un certain âge, conscient et par trop engagé intellectuellement dans le monde professionnel, devra aller vers la gauche, tout comme la femme trop intellectuelle d’ailleurs.

Il y a souvent un poteau indicateur au croisement, ou bien ce sont des rues nommément désignées qui vont vers l’un ou l’autre côté. Il faut quelquefois rester dans cette situation de contradictions intérieures, attendre jusqu’à pouvoir lire les étranges inscriptions qui se trouvent sur le poteau. Ce dernier d’ailleurs peut n’indiquer qu’une seule direction, ne porter le nom que d’un seul endroit qui dès lors désigne ou est en rapport avec un contenu psychique qu’il devient nécessaire de vivre.

Tout comme pour les rêves de voyages, les points cardinaux jouent un grand rôle ici. La signification de ceux-ci ne peut se déduire approximativement que d’un grand nombre de rêves. Pour le rêveur européen le sud indique le plus souvent les régions chaudes, celles du sentiment et de la force de volonté. Le nord est manifestement plus froid, il est le royaume du pressentiment, des longues nuits et de l’intuition. La signification des deux autres points est moins claire. L’ouest semble désigner une perception plus consciente, un ordre de choses plus extraverti, cependant que l’est est fréquemment en rapport avec un mode de pensée plus intensif et introverti. On ne peut véritablement donner d’appréciations qu’en connaissant la fonction psychologique du rêveur. Il convient aussi de ne pas oublier que l’est est l’endroit de la lumière matinale, que le soleil du midi occupe la place du même nom, cependant que le soir de l’occident adoucit l’aspect des choses et les rend plus évidentes ; par contre le nord se rapporte à la nuit et à ses pressentiments.

Nous pouvons aussi étudier en rêve une carte géographique. Chacun doit suivre son propre chemin, même à l’intérieur d’un mariage ou d’une famille ; car il s’agit avant tout de
suivre le chemin interne qui peut d’ailleurs coïncider avec celui du mariage ou de la famille pendant une assez longue période. Car l’amour n’exige pas forcément identité de directions.

C’est ce que comprit un rêveur qui vit devant lui deux cartes sur lesquelles figuraient deux tracés différents. Il apprit que l’une de «es cartes appartenait à son épouse ; l’autre décrivait son propre chemin. Les deux cartes se touchaient
? et pourtant les deux destinées qui y figuraient étaient différentes. Les rêves où il est question d’écZaireurs sont fréquents, même chez de jeunes gens qui n’ont jamais fait partie de cette estimable organisation. Le nom est d’un choix heureux, il est extraordinairement symbolique puisqu’il renferme une expérience archaïque positive.

Il y a peu de rêves plus favorables que ceux dans lesquels nous précède un animal initié au chemin, c’est-à-dire notre instinct, que ce soit un chien ,ou un orvet quelconque. Il s’agit peut-être même d’un petit enfant, le côté évolutif en nous, qui trottine courageusement devant nous, ou encore nous sommes accompagnés par un génie, par une sorte d’ange gardien.

Dans nos rêves, nous sommes tantôt seuls, tantôt accompagnés par des personnes connues ou inconnues. Le chapitre sur le symbolisme des personnages oniriques y a déjà fait allusion. L’interprétation de ces compagnons de route est la plus fructueuse lorsqu’elle se fait sur le plan subjectif. Quelque chose en nous nous accompagne. Mais ce peut être sous la forme d’une ancienne amie, de celle d’un camarade de jeu depuis longtemps oublié, ou encore ce sont tout à coup des gens importants, voire des personnalités historiques.

Il n’y a pas que de bons accompagnements. Il y a aussi notre ombre, des mendiants, une femme désagréable.

C’est ainsi qu’une rêveuse racontait qu’elle voyait sa s?ur avec qui elle conservait très peu de rapports ? marcher à ses côtés dans une montée pénible, mais le plus souvent derrière elle. Elle devait continuellement attendre cette s?ur maladroite et si rapidement fatiguée. Il s’agissait là de son propre côté peu développé et insuffisant qu’elle traînait avec elle. Car on n’est arrivé au but que lorsqu’on y a amené son ombre.

Plus nous poursuivons la route de notre vie, plus nous pénétrons profondément en nous-mêmes. De tels rêves peuvent rendre conscients les périls que nous font courir nos semblables
dans la réalité de la vie quotidienne, par exemple ceux résultant des intrigues, de l’envie et du désir de possession. Mais le plus souvent ces dangers sont constitués par des forces, par des éléments de notre personnalité méprisés ou insuffisamment développés, qui sont hostiles au moi, qui nous apparaissent sous forme d’irritations secrètes ou de traits de caractère antipathiques. Rendre ceux-ci conscients, c’est se débarrasser d’un monde sans aveu qui n’a pas sa raison d’être.

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