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Dictionnaire des reves
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Images – Livres – Thêatre – Cinema

La Psyché possède son économie propre. Elle aime se servir^ pour représenter les processus psychiques élémentaires, de contenus déjà formés comme le sont en particulier les phénomènes culturels. Nous connaissons la fréquence avec laquelle le rêve reproduit une coupure de journal ou une phrase entendue dans un discours. Il peut aussi s’agir d’une citation contenue dans un horoscope ou d’une réflexion faite à l’occasion d’une conversation. Très fréquemment en rêve il est question d’un livre ouvert ; nous pouvons en recevoir un, ou bien il y est fait allusion, ou bien encore nous rencontrons à un .endroit inhabituel un ouvrage auquel nous ne pensions plus du tout. Souvent celui-ci reproduit un déroulement de l’action qui rappelle celui de la situation psychique dans laquelle se trouve actuellement le rêveur. Si l’on se trouve réellement en possession du volume, on fera bien de le relire. Peut-être alors nous « dit-il-quelque chose », quelque chose au sujet de nous-mêmes. Le rêve d’un jeune homme trahissait à
quel point ses pensées tournaient autour d’une jeune fille à peine entrevue, lorsqu’il lui eut révélé l’achat des « Promessi Sposi » dans une librairie d’une rue jusqu’alors inconnue. C’était pour lui et en lui « l’époque des fiançailles ».

On mentionne très souvent des rêves où il est question de titres d’ouvrages. Ces titres se présentent de préférence sous une forme attrayante, voire d’un goût douteux. Le rêve vient par exemple les chercher à la devanture d’un libraire où l’on s’était arrêté la veille. Et l’on est parfois très surpris de constater qu’un titre parfaitement stupide a pu laisser son empreinte dans la mémoire. Mais ce titre représente un moment important, il est pour ainsi dire un extrait de la vie psychique. On pourrait composer une jolie liste de ces titres, mais on pourrait aussi monter une grande bibliothèque avec les ouvrages que le rêveur a gardés du temps de sa jeunesse, qu’il a découverts chez lui, achetés ou reçus de ses amis. Entre les couvertures d’un de ces livres peut se trouver une étrange composition : une poésie à moitié oubliée, probable-
ment expliquée autrefois à l’école, dans laquelle vient s’insérer par endroit une histoire toute personnelle. Il faut lire les titres et les livres que l’on peut rencontrer en rêve parce qu’ils disent ce qui se passe en nous, même s’ils sont plats et « eau de rosé », ou sèchement scientifiques. Tel étudiant en mathématiques qui acquit un livre sur la théorie des groupes, dut reconnaître au cours de l’interprétation qu’il était préoccupé par un groupe d’un ordre tout différent : il venait de se fiancer tout en ayant gardé en secret son amie précédente ; par-dessus le marché il a encore trouvé le moyen de s’amouracher d’une femme assez peu distinguée. Le tout représentait donc pour lui beaucoup plus qu’un simple problème mathématique ! Un savant en renom était obligé en rêve d’aller chercher la revue « Science et Vie » pour y lire journellement un passage, bien qu’il ne s’-agît pas d’articles provenant de cette revue. C’était bien plutôt sa propre conscience qui réclamait de lui, l’homme qui surestimait la « Science », de se familiariser enfin avec la « Vie » et de réunir les deux aspects.

Un jeune homme trouvait à la bibliothèque un écrit traitant du drainage de la région du R., son pays natal. Un tel écrit était en réalité inexistant. Mais le rêveur avait instamment besoin d’un drainage psychique, la question pour lui était de sortir des eaux amniotiques de son inconscient. ? Le rêve crée fréquemment des titres imaginaires. Il s’agit de dégager cette imagination pour la rendre consciente dans sa signification fondamentale. Il arrive naturellement assez souvent qu’un livre fasse son apparition avec lequel il nous est impossible de^ découvrir un rapport quelconque. Dans ce cas, il ne nous reste qu’à constater une possession en nous avec laquelle n’existe aucun rapport conscient. Peu à peu d’ailleurs s’établissent des points de repère, à moins encore que des rêves contemporains à cette première indication ne viennent renforcer la signification de celle-ci.

On peut aussi trouver un billet de banque dans un livre. S’il s’agit d’un ouvrage scientifique qu’un étudiant est péniblement en train d’avaler, la signification est claire : on avertit l’esprit récalcitrant que cet ouvrage a une valeur cachée. Il est important, dans ces rêves, d’observer à qui appartient le livre, ou comment on se l’est procuré. Souvent aussi la couleur de la couverture est significative. Il y a des gens dont l’attention doit être attirée par l’importance d’un contenu vital au moyen d’un titre à caractères dorés.

Pour l’inconscient, la nature et l’esprit apparaissent comme deux grandes forces de la vie. Le livre constitue très souvent le dépositaire de l’esprit ; parfois il est très vieux et très grand, son écriture particulièrement nette et lisible : c’est alors le livre même de la vie.

Il est beaucoup question en rêve de photographies et de ce qui se rapporte à la photographie en général. Le sens de ces rêves est clair quand on pense au fait que les photographies sont des images qui fixent quelque chose d’une façon définitive. Photographier en rêve signifie fixer son attention, se faire une image nette d’une personne ou d’une situation. Une rêveuse se propose de prendre en plein jour une photo de son ami. Par un curieux effet, la silhouette de ce dernier devient floue et s’obscurcit chaque fois qu’elle braque son appareil sur lui. L’image ne se réalise pas ; et sans se préoccuper des raisons de cet obscurcissement, elle retourne tout à coup à sa maison natale avec dans la main un instrument du temps de son enfance. ? On peut aussi voir en rêve une image de soi-même absolument déplaisante. Voilà donc notre vrai visage ! Mais est-ce seulement la faute à notre photographe intérieur ? , ?

Une dame d’un certain âge qui ne voulait jamais bien accepter le côté sérieux de la vie et traitait avec optimisme les événements les plus graves, racontait qu’elle se voyait souvent en rêve en train de pleurer. C’est évidemment un aspect compensatoire. Un jour on lui donne en main un album de photos dans lequel elle se reconnaît vieille, malade, avec une robe à fleurs à l’ancienne mode. Sa fille entre dans la pièce et veut lui défendre de continuer à feuilleter l’album. Elle le feuilleté pourtant et se voit alors comme une toute vieille femme avec une tête de mort dont les yeux expriment un mortel désespoir.

Il convient en passant d’indiquer ici le symbole du miroir. Il est certainement arrivé déjà à chacun de se regarder dans une glace avec un certain effroi en même temps qu’une vive attention. On se voit au plus profond de soi-même, on se fait face. Ces rêves ne sont peut-être pas trèsf réquents, mais ils possèdent toujours une signification grave. On a affirmé très tôt déjà que le miroir du rêve est un signe de malheur et de mort. On a probablement été amené à cette constatation parce que quelque chose de nous est extérieur, parce que dans la glace nous nous mettons hors de nous-mêmes. C’est ce qui produit ce sentiment tout primitif de la perte
de l’âme. Des personnes qui se regardent longuement dans la glace sentent confusément quelque chose de paralysant. Les rêves de miroir font leur apparition avant la période d’individuation, au moment où le retour sur soi-même devient nécessaire. Mais chacun ne peut pas supporter la vue de son image. Quelques-uns même s’y perdent, comme le Narcisse de la mythologie. D’autres, après de longues et épuisantes divagations, ne reviennent à eux qu’après s’être regardés de nouveau dans un miroir, c’est-à-dire après s’être mis devant la visible réalité de leur existence.

Pour en revenir à la photographie : nous pouvons également recevoir en rêve une image d’amis ou de personnes dont le destin est plus ou moins lié au nôtre afin de mieux nous rendre compte de leur être. Elle est bien sûr souvent assez différente de celle que nous nous faisions jusqu’alors.

Parfois il faut parcourir un album de photos. Il faut examiner encore une fois le passé fixé dans la mémoire de l’inconscient. Les collections d’images, les variétés de situations caractéristiques, personnelles ou se rapportant à d’autres personnes, sont souvent étonnantes. Il peut s’agir de recueils de souvenirs de famille intéressants, ou bien démodés et ridicules. Peut-être y a-t-il en nous certains de ces aspects d’autrefois. Nous pouvons, grâce à ces photographies, faire la connaissance d’éléments insoupçonnés de nous-mêmes.

Dans le rêve, on se montre les uns les autres les photos les plus diverses afin de pouvoir se « faire une image ». Le rapport avec l’appareil et le côté technique indique l’aspect intellectuel de la question. A la place d’une photographie, il peut s’agir d’un portrait peint. Il se caractérise alors, comparé /à celle-là, par sa grande durée.
I La technique moderne a créé une possibilité tout à fait précise et remarquable de figurer le déroulement des images du rêve : Le cinéma. On est assis dans l’obscurité et devant, sur l’écran éclairé, se projettent les différents événements. Le créateur de nos rêves n’a pas renoncé à utiliser cette découverte du inonde extérieur et c’est pourquoi il convie le rêveur à assister à la projection de son propre film. Celui-ci conserve d’ailleurs maints rapports avec les films qui se jouent en réalité, spécialement lorsqu’un événement personnel au rêveur coïncide plus ou moins avec un passage de ces derniers. Souvent le contexte tout entier dont le conseiller prend connaissance consiste dans le récit d’un film ; ce récit suffit alors à éclairer amplement une situation
particulière. Ces sortes de rêves reproduisent surtout des sujets où il est question de notre ombre, d’Anima et d’Animus. Chez les rêveurs qui vont rarement au cinéma, les titres publicitaires revêtent une importance caractéristique ; ils ne peuvent pas leur échapper lorsqu’ils les voient dans les journaux ou sur les affiches du rêve ; le tapage « publicitaire » de l’inconscient les éveille.

Un rêveur avait à filmer soi-même quelque chose, mais il n’arrivait pas à trouver un endroit convenable pour poser son appareillage. Il lui manquait en effet dans la vie un point de vue qui lui permît d’examiner correctement une certaine affaire et se la rendre pleinement consciente.

Mais on peut aussi soi-même se voir évoluer sur l’écran du rêve, à sa grande surprise, ou encore se reconnaître parmi les acteurs d’une pièce de théâtre. D’ailleurs le théâtre, avec sa scène puissamment éclairée, représente une allégorie encore plus parfaite pour figurer une situation onirique. Au moyen d’une technique admirable, l’action est placée au centre vivant et lumineux de la conscience. Il a déjà été fait mention de l’analogie qui existe entre la construction du rêve et celle du drame classique, et aussi au fait que le rêveur est tantôt spectateur, tantôt acteur, c’est-à-dire que dans ce dernier cas il participe avec son moi à ce qui se passe en lui. Tous les directeurs de conscience savent combien parfois cette participation lui répugne.

C’est ainsi qu’en rêve un homme va au théâtre pour « devenir le spectateur d’une pièce intéressante ». Quelqu’un lui prend son manteau et le conduit jusqu’à la scène. Puis un acteur pose son bras sur son épaule, « comme pour me donner la réplique. Je protestai avec indignation : Mais voyons, je ne prends pas part au jeu ! » C’était bien la réalité : le rêveur, un savant introverti, refusait de participer lorsqu’il s’agissait de situations importantes de l’existence, il ne jouait pas sur sa propre scène.

S’il est question de théâtre ? ou d’opéra, dont la note est plus sentimentale ? il faut rechercher, après avoir mis au point les rapports avec les événements du jour, quelle filiation peut s’établir entre l’action réelle et le programme de cette salle de spectacle intérieure. Qu’est-ce qui est joué ? Quels sont les acteurs ? Et que prennent-ils dans le passé ou le présent pour l’amener sur la scène ? N’est-ce pas plutôt, globalement parlant, une tragédie qu’une comédie ?

Il arrive à certains rêveurs d’âge mûr de faire état « du
danseur », un personnage que l’on ne sait pas très bien où ,, placer. Mais on sait peut-être que le dieu de la vie chez les Hindous, Shiwa, peut entre autre prendre la figure d’un danseur aux multiples bras et que sous cette forme, il est hautement vénéré. On connaît peut-être aussi l’expression « entrer dans la danse », s’engager pleinement, participer au cycle vertigineux et invisible de la vie. Le rêve du danseur est un grand rêve ; en lui, on rencontre une fonction fondamentale de la vie.

Il faut évidemment qu’il s’agisse « du danseur », et non de n’importe quel partenaire rencontré dans le bal du rêve. Celui-ci constituerait uniquement un aspect de l’autre sexe en nous, au cas où il n’est pas nécessaire d’interpréter le rêve sur un plan simplement objectif.

Tout près du danseur se situe la silhouette d’Arlequin. Avec son costume de carrés rhomboïdaux noirs et blancs, il incarne le continuel changement du sombre et du clair. D’après ce qu’en dit l’expérience, il évoque toujours la joie et la tristesse. Il rit, mais il pourrait tout aussi bien pleurer ; il y a en lui une intensité de vie débordante mais toute pénétrée déjà des ténèbres de l’au-delà, transcendée par la connaissance de l’inéluctable fin.

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